☁ Little miss America ☁
L'autre jour, une amie américaine m'a fait cette suggestion lors d'un dîner: "Tu devrais inscrire ta fille à un concours de beauté pour bébés. Avec la bouille qu'elle a, elle gagnerai sûrement!".
Malgré l'absurdité de l'idée, imaginons un instant que je me lance dans l'aventure. Après tout je vis au Nouveau-Mexique, à Albuquerque, LA ville de "Little miss Sunshine"! Rien n'est impossible!
Au début, j'avais imaginé qu'un concours de mini-miss ressemblait à ceci:
De jolis petits poupons aux têtes nues et sans fioritures, sagement assis devant un public de mères conquises s'épanchant de compliments aimables sur le rejeton de sa voisine tout en buvant une tasse de thé.
Mais après quelques recherches sur le net, il m'a bien fallu me rendre à l'évidence. Un concours de mini miss ressemble plutôt à ça aujourd'hui:
Des enfants enrubannés de tulle, aux têtes plus décorées qu'un sapin du Rockefeller Center, assis devant un parterre de mère nerveuses et hystériques, s'épanchant de critiques sur le rejeton de sa voisine tout en sirotant bruyamment un Coca light.
Malgré la déception qui fut mienne, je décidai tout de même de me prendre au jeu.
Quelle belle vie nous aurions... Nous passerions nos week-ends sur les routes, à sillonner l'Amérique d'est en ouest dans un combi Wolkswagen crapotant pour amener notre fille à des concours de beauté dans des villes au nom improbable (Dis chéri, c'est où Truth or Consequences?) -Nom véridique d'un bled à quelques kilomètres de chez nous dont la traduction littérale donne un truc du genre "Vérité ou conséquences".Ça fous les jetons, hein?- voyageant de station essence en motels miteux... ah oui, ce serait bien...
Frémir dans les coulisses où, au milieu des autres mères en jean informe et baskets, j'épinglerai fébrilement le numéro 87 sur la robe meringue à frous frous rose fluo de ma fille de 6 mois... Je réajusterai une dernière fois sa perruque à frisottis sur sa tête nue comme un caillou, fière, si fière d'élever ma fille au rang de reine de beauté...
Oui, je rêve de voir ma fille souriant au photographe du journal local, maquillée comme une voiture volée, arborant des colliers et des pendants d'oreilles aussi faux que les promesses électorales d'un politicien en campagne, et croulant sous le poids d'une couronne haute de dix étages s'apparentant plus à une tiare papale urbi et orbi qu'à un diadème princier.
Je rêve de voir enfin venir la consécration suprême, la remise du trophée, qui viendra enlaidir le manteau de la cheminée entre un portrait de la tante Martha et un angelot en plâtre jauni.
Je pleurerai d'émotion en regardant les albums photos de nos week-ends gâchés passés dans des concours, années après années, et regarderai la taille des trophées grandir avec ma fille, souriante et tellement épanouie malgré sa moyenne scolaire avoisinant les 6/20.
Et puis les années passerons, et elle deviendra une femme. Elle continuera à s'habiller comme une drag-queen, et à sourire niaisement au milieu d'autres bêtes de concours, arborant fièrement son écharpe en papier crépon comme un élu normand un jour de foire aux andouilles. Et pour ses dix-huit ans, nous nous saignerons aux quatre veines pour lui payer des implants mammaires et une chirurgie nasale.
Oui, voilà à quoi ressemble le rêve américain... mais pas le mien en tous cas!
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